Black Christmas (2019)

Réalisé par : Sophia Takal

Ecrit par : Sophia Takal, April Wolfe

Avec : Imogen Poots, Aleyse Shannon, Lily Donoghue, Cary Elwes

S’il y a bien un genre dans le cinéma qu’on peut considérer comme féministe, c’est l’horreur. Mis à part de nombreux slashers des années 80 et autres exploitations douteuses, on ne peut nier l’importance des personnages féminins dans le cinéma horrifique. Que ce soit Scream (1996), Jennifer’s Body (2009) ou encore Alien (1979), les exemples sont nombreux. Certains analystes considèrent même que The Thing (1982) est un film féministe alors qu’il n’y a aucune femme qui y joue (source). Néanmoins, si les femmes sont bien représentées dans l’horreur en général, on ne peut pas en dire autant des réalisatrices : leur absence se fait cruellement ressentir.

Ce qui est dommage puisque des cinéastes de talent sont écartées de certains projets uniquement parce que des producteurs ne leur font pas confiance pour réaliser leurs films. Jason Blum, producteur prolifique de films d’horreur, a même déclaré en 2018 qu’il ne confiait pas de projets à des femmes réalisatrices parce qu’il n’y en avait tout simplement pas, ce qui lui a valu de nombreuses critiques. S’excusant, il a rapidement déposé son remake de Black Christmas dans les mains de Sophia Takal.

Durant les fêtes de fin d’année, les membres d’une sororité reçoivent des messages menaçants semblant provenir du défunt fondateur de l’université. Ce n’est qu’une question de temps avant que ces menaces ne soient mises à exécution…

Tout d’abord, si vous comptiez voir une relecture du film original de 1974, vous allez être franchement déçus. A part quelques petits clins d’œil ici et là (le chat s’appelle Claudette), rien ne ressemble au film original. Oui, le synopsis semble similaire à l’original, mais c’est du vent. On croirait que ce film avait un tout autre scénario et qu’on a demandé aux scénaristes de le modifier pour en faire une nouvelle mouture de Black Christmas. Noël est complètement sous exploité ! Le film pourrait se dérouler à n’importe quel moment de l’année, ça ne changerait rien. Cela aurait peut-être même été mieux tant la neige est mal faite, tantôt avec du sable, tantôt avec de la mousse blanche type mousse à raser ( !)

Mais ça ne fait pas automatiquement de Black Christmas 2019 un mauvais film, me direz-vous. Hélas, il l’est bel et bien. D’abord, il faut rappeler que le film était détesté dès le départ. La campagne de promotion promettait un film féministe surfant sur la vague « Me Too » et ça ne plaisait pas à tout le monde, surtout pas à certains frustrés craignant que la domination de l’homme blanc soit mise à mal. Pour ma part, je me suis dit : « Pourquoi pas ? » Le sujet est d’actualité et ça ne ferait pas de tort à la cause. Mais là où le bât blesse, c’est que tous les dialogues et toutes les actions tournent autour de ça, annihilant toute subtilité. C’en est même ridicule. Les personnages ne sont définis que par ce sujet. On dirait que chaque femme de la sororité récite un essai sur le féminisme à chaque fois qu’elle prend la parole. Pourtant, l’original est considéré comme un film féministe, avec une héroïne qui souhaite avorter et qui refuse que son copain prenne la décision à sa place. C’était intéressant car très bien amené. La version de 2019 aurait pu faire le même exercice, tout en remplaçant la problématique de l’avortement par la mise en doute quasi systématique de la parole des femmes violées.

De plus, si seulement les personnages étaient attachants, on pourrait passer un bon moment, mais ils sont tous détestables. Pas qu’on veuille qu’ils meurent, mais on n’en a rien à faire. Il faut dire qu’ils multiplient les réactions débiles et complètement incohérentes. Par exemple, alors que les personnages s’enfuient d’une pièce dangereuse, ils s’arrêtent en plein milieu pour se dire : « Je suis désolé, tu avais raison ». Mais taisez-vous bon sang ! Pas besoin de le dire à voix haute si les acteurs sont bien dirigés. Le langage non verbal existe.

Si ce n’était pas assez, le scénario part en cacahuète à mi-parcours, alors qu’on nous sert un twist absurde. Il aurait pu être bien amené, tout en subtilité mais, comme vous l’aurez compris, ce n’est pas le fort de ce film. A la place, nous avons droit à une scène d’exposition dans laquelle une des femmes raconte ce qu’elle a compris de l’intrigue. On prend les spectateurs pour des simplets.

Par ailleurs, la réalisation de Takal est tout sauf homogène. On dirait qu’elle ne sait pas quel style adopter. Lors d’une scène, on a droit à un superbe plan, clin d’œil à The Exorcist III (1990), qui rivaliserait avec certains des meilleurs plans des dernières années. Dans une autre, on a droit à des combats truffés de ralentis qui rappellent le pire du cinéma d’action du début des années 2000.

Bref, Black Christmas 2019 est complètement raté ! C’est d’autant plus décevant qu’on aurait pu avoir un fantastique film qui met à jour des problématiques féministes dans un des meilleurs slashers jamais faits. Espérons quand même que les producteurs engageront plus de femmes pour réaliser des films afin que l’on découvre de nouveaux talents. Pas comme celui de Takal, par contre.

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