The Meg (2018)

Réalisé par : Jon Turteltaub

Ecrit par : Dean Georgaris, Jon Hoeber, Erich Hoeber, d’après l’oeuvre de Steve Alten.

Avec : Jason Statham, Rainn Wilson, Ruby Rose, Bingbing Li, Cliff Curtis

Connaissez-vous l’expression « Jumping the shark » ? Elle date des années 70 et fait référence à la série Happy Days et plus particulièrement à l’épisode où Fonzie faisait du ski nautique dans un bassin renfermant un requin au-dessus duquel il finissait par sauter, devant un public en délire. Ce rebondissement outrancier est resté dans les mémoires et, depuis lors, l’expression « jumping the shark » est utilisée communément pour désigner la manière dont les scénaristes, tellement soucieux de conserver l’intérêt des spectateurs, ont parfois recours à des ficelles narratives tellement exagérées et excessives qu’elles en deviennent risibles. Hormis le terme « shark » qui signifie « requin », quel rapport avec le film qui nous intéresse, me direz-ous ? Eh bien, le synopsis de The Meg était l’occasion rêvée pour nous offrir un divertissement qui n’hésiterait pas à « jumper le shark », dans tous les sens du terme, à nous en mettre plein la vue ! Après tout, qu’espère le spectateur qui est prêt à payer pour voir un film mettant en scène un requin géant ? Du spectacle, pardi !  Le concept était tout trouvé, et le budget plus que confortable de 150 millions de dollars allait sans conteste aider à maintenir un niveau d’exigence décent et à ne pas tomber dans la production Syfy de bas étage. Piranha 3D ne l’avait-il pas fait avant lui ? Eh bien, malgré cela, Jon Turteltaub loupe complètement le coche et nous lire un film inoffensif qui se montre bien incapable de surnager parmi les films de requins existants…

Oubliez tout ce que vous pensiez savoir : non, la fosse des Mariannes n’est pas la fosse océanique la plus profonde du globe. Non, les requins préhistoriques (aussi appelés mégalodons) ne se sont pas tous éteints il y a des millions d’années de cela. Une équipe d’océanographes spécialiste des fonds marins ne va pas tarder à le découvrir à ses dépens…

Je vais jeter un voile pudique sur le titre français (En Eaux Troubles, quelle originalité ébouriffante), qui est déjà une insulte en soi. Le premier et plus grand défaut de The Meg est le ton qui lui est donné, comme je l’ai brièvement mentionné dans mon introduction. A partir du moment où ton pitch de départ raconte l’histoire d’un requin préhistorique de 25 mètres qui vient nous dire coucou en 2018, je pense que tu peux te permettre un petit grain de folie, afin de fournir au spectateur un bon divertissement estival décomplexé, qui ne cherche pas à être autre chose que ce qu’il est. Or, tout cela est bien trop raisonnable, bien trop sage ! Ah, tu veux donner un ton sérieux à ton film malgré tout ? Libre à toi, mais dans ce cas, essaie de ne pas noyer le spectateur sous les invraisemblances, ça fait mauvais genre. Ok, je m’attendais inévitablement à des incohérences et des rebondissements tirés pas les cheveux (on parle quand même d’un requin préhistorique, je le rappelle), mais expliquer le fait que les autorités ne s’impliquent pas dans l’affaire et ne fassent pas évacuer la plage par un simple « La police ne nous a pas crus, dommage », alors qu’il s’agit pourtant d’une équipe d’océanographes réputés, c’est un peu fort de café, si vous voulez mon avis. Les invraisemblances s’enchaînent à un tel rythme qu’il est impossible de toutes les relever sous peine de manquer de souffle à force de lâcher des soupirs exaspérés. Et puis, après tout qu’y a-t-il de mal à emmener une petite fille de 8 ans sur le bateau qui s’apprête à affronter un requin sanguinaire de plus de 20 mètres de long ?

Sans oublier le fait que tout le marketing entourant le film, et ce depuis des mois, est carrément mensonger. On a ainsi eu droit à des affiches amusantes, très colorées, qui laissaient présager une bonne dose de fun rafraîchissant en cet été torride. L’une d’elles, par exemple, nous exposait les valeurs nutritives d’un être humain de façon plutôt rigolote, avec la tagline « Pleased to eat you ». Or, il n’en est rien ! Le massacre annoncé n’aura pas lieu, et on a tout juste droit à un film de requin très classique, qui ne casse pas trois pattes à un canard. Je ne m’attendais certes pas à un bain de sang à la Piranha 3D (le réalisateur Jon Turteltaub ayant partagé avec la presse sa déception face aux nombreuses coupes qui ont été été faites dans son film afin d’alléger son aspect gore) mais ici c’est carrément frustrant, on se moque de nous. Lorsque le requin débarque (enfin !) sur une plage bondée, il se contente peu ou prou de renverser une plateforme flottante et de croquer une bulle aquatique, le réalisateur se satisfaisant d’interminables plans montrant les réactions paniquées des baigneurs. Décevant.

Mensonges ! Mensonges !

A l’image de cette scène, le reste du film est terriblement ennuyeux. Oui, je suis bien en train de dire qu’un film avec un requin géant est ennuyeux. Les quarante-cinq premières minutes, totalement requin-free, sont difficiles à avaler tant elles ne nous proposent rien d’un tant soit peu accrocheur. Lorsque le meg fait enfin son apparition, la taille du requin (sur laquelle les affiches de promotion mettaient l’accent) importe finalement peu, et le fait qu’il s’agisse d’un mégalodon et non d’un requin ordinaire a peu d’importance. A aucun moment il n’est véritablement impressionnant, ni pour le spectateur, ni pour les personnages, apparemment, qui décident de régler l’affaire eux-mêmes et jugent bon d’utiliser le même matériel que pour capturer un requin ordinaire. Je tire d’ailleurs mon chapeau au personnage de Jason Statham qui semble très familier avec ce type de créatures : lorsque la plongeuse lui décrit qu’il s’agit « d’un requin d’une vingtaine de mètres », il s’exclame immédiatement : « C’est un mégalodon ». Ben oui, c’est évident, voyons.

L’adjectif « prévisible » peut également s’ajouter à l’ensemble. Tous les rebondissements notables se voient comme le nez au milieu de la figure vingt minutes avant qu’ils ne se produisent :

Spoiler

« Ouais ! On a tué ce salaud de mégalodon, fêtons ça ! Comment ça, il y en a un deuxième qui vient de manger notre ami ? C’est une surprise ! » ; « Ouais ! On a tué ce deuxième salaud de mégalodon, fêtons ça ! Comment ça, il s’agissait en fait d’une baleine, et le mégalodon est en fait en train de manger un autre de nos amis ? »

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En plus de cela, les dialogues sont… « bateau », rendant les scènes de conversations entre les personnages soporifiques et ennuyeuses en plus d’être tire-larmes au possible. Manque de pot, aucune émotion n’émerge à l’horizon, tant les personnages sont stéréotypés et interchangeables. On se fiche pas mal de leur sort car à aucun moment on n’a l’occasion de s’attacher à eux. Chacun d’eux se contente de débiter un flot de paroles toutes plus « cliché » les unes que les autres (« Ce ne sont pas ceux qu’on perd qui importent, ce sont ceux qu’on sauve. » Waow, le scoop). Le personnage de Rainn Wilson n’est certes pas inintéressant, mais malheureusement sous-utilisé. Oh, je m’en voudrais d’oublier de mentionner l’incontournable histoire d’amour, totalement inutile et artificielle, qui tombe ici comme un cheveu sur la soupe.

Outre les conversations larmoyantes que j’évoquais il y a quelques instants, le film accumule les moments de bravoure et les sacrifices à répétition. Cela semble d’ailleurs être le seul ressort dramatique du film : un personnage est en danger, hop, un autre se jette à l’eau pour le sauver, si possible en décédant (ben oui, c’est plus émouvant ainsi, hein). Toutes mes condoléances à cette pauvre Ruby Rose, qui a été obligée de vomir ce qui est sans doute la pire phrase du film, un déchirant « Merci, Dr Heller », après que ce brave docteur a courageusement donné sa vie pour sauver son personnage. Et quand je dis qu’il s’agit du pire dialogue du film, je dois avouer que le choix a été difficile tant le film est truffé de tentatives d’humour ratées. Pas une seule blague ne fonctionne, pas une ! La palme du ratage revient au personnage de DJ incarné par Page Kennedy, qui est tout simplement insupportable : le Black de service qui ne sert à rien d’autre qu’à paniquer non-stop à grand renfort de cris et de plaintes incessantes car il ne sait pas nager, non ce n’est pas drôle, même cinq minutes.

Pour couronner le tout, les images sont laides. Les couleurs sont fades, et il n’y a même pas l’ombre d’un beau paysage à se mettre sous la dent comme c’est souvent le cas dans les films à base de requins (on est loin des magnifiques scènes de surf de The Shallows). Le graphisme du requin est raté, et la face de celui-ci est même parfois ridicule. Pour tout vous dire, cette image me revenait sans cesse à l’esprit lorsque ce brave meg apparaissait à l’écran :

Meg, c’est toi ?

En somme, ce n’est pas certainement pas The Meg qui vous fera vous recroqueviller en position fœtale sur la plage, incapables de mettre un orteil dans l’eau cet été. Pour cela, je vous conseille plutôt de visionner (outre le classique Les dents de la mer évidemment) l’énergique The Shallows avec la superbe Blake Lively, ou encore l’injustement méconnu 47 Meters Down qui ne manquera pas de vous donner des sueurs froides Et, si vous voulez vous accorder un bon moment de rigolade, laissez une chance à Ghost Shark (oui oui , la production Syfy), il vaut le coup d’œil !

Pour conclure, en matière de divertissement estival, donnez de préférence votre argent à Mission Impossible : Fallout qui, lui, tient sa promesse de nous en mettre plein les yeux, car une chose est sûre : The Meg manque incontestablement de mordant.

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