The Faculty (1998)

Réalisé par : Robert Rodriguez

Ecrit par : Kevin Williamson

Avec : Josh Hartnett, Elijah Wood, Shawn Hatosy, Robert Patrick

Fossé des générations oblige, il arrive que les professeurs soient souvent perçus comme des extraterrestres par leurs élèves. Ainsi, quand j’ai le malheur de prononcer le mot « magnétoscope », ou pire encore « disquette », voire même les phrases « Cesse de t’affaler sur ton banc » ou « Enlève ta casquette en entrant en classe », je vois les élèves poser sur moi des yeux ronds qui signifient : « Cette créature essaie vraisemblablement de communiquer avec moi mais je ne comprends pas un traître mot de ce qu’elle me dit ». The Faculty prend cette idée au pied de la lettre, puisque les enseignants y sont VRAIMENT des aliens. Et les élèves, s’ils n’obéissent pas à leurs profs, risquent bien plus qu’une simple retenue ou un jour de renvoi à domicile… Et c’est drôlement chouette.

Je porte un amour sans limite aux films de Kevin Williamson : Scream et sa suite, ou Souviens-toi…l’été dernier sont des films qui occupent une place particulière dans mon cœur tant ils ont joué un rôle primordial dans la naissance de mon affection pour les films d’horreur. The Faculty fait également partie de cette liste. Non non non, ma passion adolescente pour le merveilleux, magnifique, sensationnel, extraordinairement fantastique Josh Hartnett n’a rien à voir avec ça.

Que se passe-t-il à Herrington High ? Les professeurs se mettent à agir de manière encore plus étrange que d’ordinaire. Se pourrait-il qu’ils soient infectés par un parasite extraterrestre ? Casey, le souffre-douleur de l’école, en est persuadé. Il va tenter de stopper cette invasion avant que le monde entier soit envahi et tout espoir perdu. Il sera accompagné dans sa tâche par Delilah (pom-pom girl, journaliste et connasse notoire), Stokely (gothique asociale passionnée de science-fiction), Stan (sportif en plein burn-out qui voudrait être reconnu pour autre chose que ses gros biscotos), Zeke (dealer à la petite semaine, malin et provocateur), et Mary-Beth (nouvelle venue au lycée, plus lambine tu meurs).

Les acteurs incarnant les personnages mentionnés plus haut sont excellents, en particulier Shawn Hatosy, qui incarne Stan, le sportif paumé, partagé entre son amour pour le foot et son désir d’être apprécié pour ce qu’il vaut réellement. Shawn Hatosy retranscrit très bien cette ambivalence dans son jeu, ce qui rend le personnage attachant. Les interprétations d’Elijah Wood et du merveilleux, magnifique, sensationnel, extraordinairement fantastique Josh Hartnett (comment ça, je me répète ?) sont également à saluer, tout comme Robert Patrick, angoissant à souhait en coach de football déjà bien hardcore avant d’être infecté, comme en témoigne la scène d’ouverture (lors de laquelle résonne la chanson The Kids aren’t alright de The Offspring, qui représente très bien l’énergie un peu sauvage dégagée par le film).

Le merveilleux, magnifique, sensationnel, extraordinairement fantastique Josh Hartnett

Parlant des personnages, on a là une galerie de protagonistes bien représentative de la faune qui peuple habituellement les couloirs des lycées américains. D’ailleurs, la manière dont on fait la connaissance de chaque personnage nous permet de savoir, en quelques secondes, à quel genre de zigoto on a affaire : Zeke le baratineur, occupé à vendre sa camelote de drogue dans les toilettes du lycée, Delilah qui terrorise sa troupe de pom-pom girls, Casey l’élève martyr qui se retrouve violemment projeté contre un poteau par des sportifs aux gros bras, et j’en passe… Mais, s’ils peuvent paraître unidimensionnels et stéréotypés au premier abord, le scénariste a pris soin d’octroyer à chacun d’eux différentes facettes. Cela leur permet de se montrer plus complexes qu’il y parait et donc plus intéressants, d’autant plus que cette invasion extraterrestre à laquelle ils vont être mêlés malgré eux aura un impact prédominant sur ce qu’ils sont et sur la construction de leur identité, à l’image des ados de Breakfast Club, qui ne seront plus tout à fait les mêmes après leur fameuse retenue du samedi. Cette analogie à Breakfast Club a d’ailleurs été beaucoup utilisée à la sortie du film, pour qualifier ce groupe d’ados que tout oppose, qui vont finalement être forcés de s’unir pour combattre l’envahisseur.

Le réalisateur, Robert Rodriguez, se montre plus sage qu’à l’accoutumée. Cela s’explique par le fait qu’il s’agisse d’une production à destination des adolescents, mais attention, le film n’est pas exempt de moments forts pour autant : une scène de douche traumatisante dans le vestiaire des garçons, des doigts sectionnés qui se baladent gentiment, un professeur éborgné et un autre décapité, une main transpercée par un innocent crayon à papier, un corps qui se décompose sous l’effet de la drogue… D’ailleurs, les effets visuels, réussis, ont plutôt bien vieilli et sont toujours très acceptables aujourd’hui.

En plus d’une réalisation dynamique et rythmée, qui fonce à du 100 à l’heure, le scénario n’oublie pas de nous réserver des moments de tension très réussis, à l’image de la scène de poursuite dans les couloirs de l’école déserte, à la tombée de la nuit : la voix menaçante de Robert Patrick résonne dans les haut-parleurs (« Mademoiselle Drake est priée de se présenter dans le bureau du proviseur » brrrr) tandis que ladite mademoiselle Drake essaie tant bien que mal de trouver une issue. Lorsque je regarde cette scène, je me dis : « Ça c’est du Kevin Williamson comme on l’aime ! »

Les dialogues sont particulièrement soignés, souvent incisifs, à l’image de cette infirmière scolaire qui, malade comme un chien, déclare : « Je garde mes congés maladie pour les jours où je suis en pleine forme ». En tant que prof, je me dois également de mentionner cette scène jubilatoire où une enseignante remet férocement à sa place un élève imbu de lui-même qui lui pourrit la vie depuis le début de l’année. Yeeeessss !

Par ailleurs, l’atmosphère de paranoïa inhérente à ce genre de films, où les extraterrestres prennent apparence humaine, est très bien rendue à l’écran, au travers d’un murmure, d’un regard, d’une scène qui se joue en arrière-plan. Ainsi, les adolescents, qui se soupçonnent mutuellement d’être infectés, doivent sniffer une dose de drogue (qui semble mettre hors d’état de nuire les parasites) pour prouver à tous qu’ils ne sont pas contaminés. Il s’agit là d’une scène gentiment subversive (la drogue s’avère en fin de compte salvatrice plutôt que destructrice) qui donne lieu à un chouette moment de suspense.

Coucou !

Le film est également parsemé d’amusants clins d’œil à d’autres films d’extraterrestres, tels que Alien (un des personnages se fait traiter de « Sigourney Weaver »), Independance Day, Men in Black… L’un des adolescents a même pour hypothèse que les réalisateurs qui mettent en scène des films traitant d’invasions extraterrestres, comme Spielberg, par exemple, ont pour mission de nous présenter à l’écran de gentils petits aliens tels que ET, pour qu’on ne panique pas lorsque les grands méchants extraterrestres arriveront vraiment pour nous dégommer.

Je conclurai en mentionnant que le film peut se regarder avec grand plaisir à plusieurs niveaux. Au premier degré, il s’agit d’une invasion extraterrestre des plus divertissantes et accrocheuses. Au second niveau de lecture, certains pourraient également voir une métaphore du passage de l’adolescence à l’âge adulte (qui implique une certaine…transformation) ou encore de la mécompréhension entre professeurs et élèves, avec des enseignants qui essaient d’inoculer savoirs et compétences aux élèves, parfois contre leur gré. On peut également y voir une volonté de rendre aux professeurs un semblant de pouvoir, eux qui sont souvent déçus de ne pouvoir concrétiser leurs projets pédagogiques, étranglés par des restrictions budgétaires et des élèves sous-motivés. Il n’est bien évidemment pas du tout obligatoire de percevoir les choses de cette manière pour apprécier le film, qui est un excellent représentant de ce que la fin des années 90 avait à nous offrir de bon en matière de cinéma d’horreur.

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