Suspiria (2018)

Réalisé par : Luca Guadagnino

Ecrit par : David Kajganich

Avec : Dakota Johnson, Tilda Swinton, Mia Goth, Chloë Grace Moretz

Suspiria (1977) est un classique de l’épouvante, représentant à merveille le genre du giallo et élevant au rang de maître de l’horreur le réalisateur Dario Argento. Pour ma part, je n’ai jamais été un très grand fan de cette œuvre. J’y vois les qualités, mais une seule écoute m’a suffi. Ainsi, lorsqu’un remake a été annoncé, c’est avec un certain désintérêt que j’ai appris la nouvelle. Puis, les premières critiques étaient loin d’être dithyrambiques et confirmaient mes craintes : je n’allais pas du tout aimer ce film. C’est donc avec appréhension que je suis entré dans la salle. Et, contre toute attente, j’ai été agréablement surpris.

Berlin-Ouest, fin des années 70. Susie (Dakota Johnson) est une jeune danseuse américaine qui ne rêve que d’une chose : faire partie de la réputée école de danse de Mme Blanc (Tilda Swinton). Après une audition, elle est acceptée et, encore mieux, elle est sélectionnée pour être le premier rôle de leur prochain spectacle. Or, ce que Susie ne sait pas, c’est que toutes les enseignantes de l’école sont des sorcières et qu’elles ont des plans bien particuliers pour elle…

S’il y a une chose qu’il faut retenir du remake de Suspiria, c’est qu’il est fidèle au style du giallo des années 70. En effet, la réalisation kitsch inspirée du genre italien en repoussera plus d’un, mais les fans en auront pour leur argent. Par exemple, à de nombreuses reprises, nous avons droit à des mouvements rapides de caméra, puis celle-ci s’arrête et fait un zoom sur le visage d’un personnage et sa réaction. C’est une décision artistique qui déplaira peut-être peu à certains, mais qui ajoute un effet théâtral assez original et amusant. Il est à noter que, telle une pièce de théâtre, les différents arcs du film sont divisés en actes et montrés à l’écran.

Le culte de sorcières est un autre aspect qui pourra déplaire au grand public, mais qui est délectable lorsqu’on se prend au jeu. Les ensorceleuses ressemblent à celles de Hocus Pocus (1993), exagérant leurs rires gras et méchants et criant à tue-tête lorsqu’elles s’attaquent à quelqu’un. Il est d’ailleurs intéressant de voir ce culte déchiré par une lutte interne dans laquelle deux camps se forment : celles souhaitant que Mme Blanc soit à la tête de leur sororité, et celles préférant que ce soit Mme Markos, une autre puissante sorcière.

Par ailleurs, si Susie est le protagoniste principal, ce sont surtout les personnages de Sarah (Mia Goth), l’amie de Susie, et de Mme Blanc qui sont les plus attachants. Sarah remarque que quelque chose ne va pas dans l’école et on suit son enquête avec intérêt. Pour Mme Blanc, il faut avouer que c’est grâce à Tilda Swinton que le personnage est aussi intéressant. Swinton montre une palette d’émotions sans pareille alors que Mme Blanc est déchirée entre l’amour grandissant qu’elle a envers Susie et l’intérêt commun de son culte.

La musique est également un élément qu’il faut noter. Entièrement composée par Thom York du groupe Radiohead, elle fonctionne impeccablement avec les images montrées à l’écran, croisant des harmonies joyeuses avec un soupçon de tristesse. La chanson Suspirium qu’on entend lors du générique de début donne parfaitement le ton au film tandis que la chanson Volk jouée durant la représentation est terriblement dérangeante, mais efficace.

Cependant, tout n’est pas blanc pour Suspiria. D’abord, avec une durée de plus de deux heures et demi, le film aurait gagné à être plus court. Et ce n’est pas comme si toutes les scènes étaient nécessaires. Premièrement, on accorde énormément d’importance au psychiatre (Tilda Swinton) qui suivait une des élèves de l’école, au point où il en devient presqu’un personnage central. Le problème est qu’il a sa propre intrigue qui n’a rien à voir avec la trame principale, ce qui rallonge inutilement le long-métrage. Deuxièmement, l’épilogue est extrêmement long et parsemé de dialogues lourds qui viennent clore l’histoire du psychiatre. Vous trouvez que la fin de Lord of the Rings : Return of the King (2003) est longue ? Attendez de voir Suspiria.

En revanche, le plus gros défaut du film est sans doute le sixième acte, le dernier avant l’épilogue. A ce moment, le réalisateur Luca Guadagnino s’est dit : « Pourquoi ne ferais-je pas un vidéoclip ? » Ainsi, pendant d’interminables minutes, on assiste à une orgie visuelle de CGI cheap et d’effets visuels tape-à-l’œil (ralentis saccadés, surutilisation de la couleur rouge, etc.). Et pour ajouter l’insulte à l’injure, on a droit à un punch complètement ridicule qui ne fait aucun sens avec le reste du film.

Spoiler

On apprend que Susie est en fait la Mère des Soupirs, une des sorcières les plus puissantes dont Mère Markos usurpait le nom. Si c’est le cas, pourquoi n’a-t-elle pas empêché le malheur de nombreux personnages ? Est-elle indifférente à leur sort ? Pourquoi alors être clémente envers les autres sorcières et le psychiatre ? Quelles sont ses motivations ? Il y a peu d’explications à de trop nombreuses questions et les réponses qu’on peut leur apporter sont simplement absurdes.

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Donc, si vous aimez le côté kitsch et légèrement grotesque de Suspiria, vous passerez sans doute un bon moment, même si la fin est complètement ratée. Pour les autres, vous allez sûrement pousser de nombreux et longs soupirs d’ennui.

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