Winchester (2018)

Réalisé par : Michael et Peter Spierig

Ecrit par : Michael et Peter Spierig, Tom Vaughan

Avec : Jason Clarke, Helen Mirren, Sarah Snook

Je dois bien avouer que lorsqu’un film débute par un « Inspiré de faits réels » apparaissant sur l’écran, je roule des yeux d’exaspération. C’est une ficelle vieille comme le monde, utilisée jusqu’à plus soif par des producteurs soucieux de soutirer le plus de biftons possible à des spectateurs pétris de crédulité. Ici, par contre, il s’avère que cette étiquette « d’histoire vraie » n’est pas usurpée. Je l’ignorais totalement mais Sarah Winchester, héritière de la Winchester Repeating Arms Company à la mort de son mari, a bel et bien poursuivi inlassablement la construction de sa maison trente-huit années durant, 24 heures sur 24, persuadée qu’il arriverait malheur si elle ne le faisait pas.

En 1906, le Docteur Price, médecin de renom, se voit confier une mission : se rendre dans la somptueuse demeure de Sarah Winchester, héritière de la fabrique d’armes du même nom, afin de procéder à une évaluation psychologique de celle-ci qui déterminera si Sarah est toujours capable de gérer l’entreprise dans son meilleur intérêt. En effet, son comportement des plus étranges, qui consiste à sans cesse faire agrandir sa maison de manière tout à fait anarchique, inquiète son entourage, qui redoute de la voir sombrer dans la folie… Mais se pourrait-il qu’une force obscure soit à l’œuvre dans cette demeure ?

Tout d’abord, même s’il avait été porté à mes oreilles que le film subissait des critiques désastreuses, je dois avouer que j’ai accroché dès le début. La première scène est réussie, tension et sobriété en sont les maîtres-mots. De même, le lieu dans lequel se déroule l’intrigue est particulièrement original : une superbe maison, colossale, semblable à un labyrinthe et en perpétuelle construction, truffée de recoins sombres à explorer. De quoi donner des sueurs froides aux spectateurs ! Mais ça, c’était en théorie…

En pratique, par contre, tout le film pourrait se résumer ainsi : de bonnes idées mal exploitées. Le postulat de départ ne manquait pourtant pas d’intérêt. Il évoque la manière dont les créateurs des armes Winchester gèrent le fait que leurs armes soient utilisées pour ôter la vie, et la culpabilité qui en résulte, jusqu’à parfois leur faire perdre la raison. Hélas, ce propos initial, certes intéressant, est très mal développé : le film bifurque rapidement vers une intrigue secondaire des plus quelconques, qui ôte tout son sel à cette idée de départ, qui méritait un meilleur traitement.

Toutefois, les acteurs, en particulier Sarah Snook (Jessabelle, 2014), s’en sortent avec les honneurs, même s’ils doivent se débattre avec des dialogues aussi lénifiants qu’interminables. C’est là le handicap majeur du film, qui a l’affreuse manie de surexpliquer tout ce qu’il se passe plutôt que de simplement le montrer, et de faire confiance au spectateur pour donner sens à ce qui a été suggéré. Les dialogues nous sont assénés avec une subtilité digne d’un homme de Cro-Magnon maniant le gourdin. Ici, le moindre élément de l’intrigue est forcément verbalisé par l’un des personnages, ce qui confère une lourdeur assommante au film, qui aurait supporté davantage de non-dits et de mystère.

De plus, l’aspect effrayant du film ne repose que sur des jump scares qui lui donnent un caractère redondant très agaçant ; il faudrait dire aux réalisateurs que ce n’est pas la seule façon d’effrayer le spectateur. Sursauts et angoisse, c’est très différent. Chacun des procédés utilisés pour tenter de terrifier le spectateur cède à la facilité. Les esprits à la peau grise et au rictus inquiétants, qui apparaissent et disparaissent en une seconde, cela n’a vraiment rien d’innovant. Au final, on sursaute, oui (et encore : celui qui aura vu trois films d’horreur dans sa vie pourra anticiper les jump scares sans difficulté) mais le vrai suspense est absent. De même, le grand méchant du film, en plus d’être dénué d’intérêt, ne parvient même pas à être effrayant tant on a déjà vu ce type de personnage.

En parlant de clichés, le film en est saturé : on a ainsi droit au héros torturé rattrapé par son passé qu’il avait pourtant cherché à fuir, ainsi qu’au sempiternel flash-back destiné à nous rappeler une scène du début du film, au cas où on serait trop stupides pour comprendre ce qui se joue sous nos yeux.

Et que dire de la fin ? Elle se vautre dans le grand n’importe quoi et prête franchement à sourire. En plus de tirer en longueur, elle est également des plus nébuleuses car les non-sens s’y multiplient.

Enfin, le film se clôture par une courte scène finale qui pourrait laisser place à une suite, ce à quoi je répondrais : « Non merci, sans façon ». En résumé, Winchester, c’est juste un beau gâchis.

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