The Strangers : Prey at Night (2018)

Réalisé par : Johannes Roberts

Ecrit par : Ben Ketai

Avec  : Christina Hendricks, Bailee Madison, Martin Henderson, Lewis Pullman

Le dictionnaire définit le mot « proie » (prey, en anglais) comme suit : « Bien ou être vivant dont on s’empare ou que l’on dépouille par la force. » Cette définition illustre parfaitement l’expérience que le spectateur est sur le point de subir lorsqu’il s’installe dans le siège confortable du cinéma, prêt à visionner The Strangers : Prey at Night pour la première fois. Je compatis avec les pauvres petits cinéphiles innocents qui vont se faire dépouiller de force en regardant ce film : dépouiller de leur temps (85 minutes qui paraissent facilement en compter 30 de plus) dépouillés de leur argent, et surtout dépouillés d’une partie de leurs facultés mentales, qui sont ici clairement sous-estimées par les personnes qui ont commis ce film, tant ce qu’ils ont à nous proposer semble souvent risible et indigne d’être projeté dans une salle de cinéma.

La jeune Kinsey est ce que l’on appelle une adolescente à problèmes. Lassés de ses frasques, ses parents, Mike et Cindy, décident de l’emmener, accompagnés de leur fils aîné Luke, dans une nouvelle école, loin de l’environnement nocif dans lequel elle évolue. Durant leur trajet en voiture, la famille décide de s’arrêter dans le camping de l’oncle de Cindy pour y passer la nuit. Les lieux étant désertés en cette période de l’année, ils espèrent passer une dernière soirée en famille sans crise ni mélodrame. Mais ça, c’était sans compter sur le trio de psychopathes qui est bien décidé à faire de ce camping désert leur sanglant terrain de jeu …

Le film commençait pourtant bien. La scène d’ouverture est acceptable, et les masques arborés par les tueurs font leur petit effet lorsqu’on les (re)voit pour la première fois. Le premier meurtre, lorsqu’il survient, m’a paru brutal et assez inattendu. Le camping peuplé de mobil-homes inoccupés est un décor intéressant ; il promettait d’instaurer une ambiance propice à nous faire lacérer le bras de notre voisin sous l’effet du stress. Hélas, et je m’expliquerai plus en détails dans la suite de cette critique, cette atmosphère anxiogène est réduite à néant par les trop nombreux défauts du film.

Comme je l’ai mentionné plus haut, Kinsey, la fille de la famille, est un véritable aimant à ennuis qui donne du fil à retordre à ses parents, qui semblent pourtant concernés et compréhensifs. Ce n’est pas une idée qui me dérange, mais le souci est que ce personnage est complètement caricatural. On a vu cent fois ce personnage de fille rebelle qui en veut au monde entier et passe son temps à lancer des regards noirs à tout le monde en tirant sur sa clope. Cela n’apporte rien à l’histoire, et pire, cela dessert le film, qui aurait dû moins se focaliser sur cet aspect, et passer un petit peu plus de temps à essayer de nous faire croire qu’il s’agit vraiment d’une famille, car à ce niveau-là, c’est un gros échec. On n’a pas l’occasion de s’attacher aux personnages, et du coup on se fiche de leur sort. Je me dois de revenir sur le personnage de Kinsey quelques secondes tant elle est insupportable. Elle prend des décisions vraiment idiotes, même pour une ado, et est la personne la plus bruyante de la terre : elle respire comme un bœuf dans une crèche de Noël et parle constamment toute seule alors qu’elle se sait pourtant traquée par des psychopathes aux aguets.

Le personnage du fils aîné de la famille, Luke, pose également problème, mais dans une moindre mesure. En plus d’avoir une expression ahurie en permanence sur le visage, ses réactions sont souvent étranges, comme lorsqu’il dit à son père, alors que celui-ci s’empare d’un fusil pour abattre le psychopathe qui est à leurs trousses : « Papa, tu vas vraiment tirer sur cet homme ? »  Je me suis même demandé si le personnage n’avait pas été écrit pour un enfant de cinq ans, avant que le rôle ne soit confié à un acteur d’une vingtaine d’années (Lewis Pullman, le fils du génial Bill).

Luke n’est pas le seul protagoniste à avoir des réactions idiotes. Je jetterai un voile pudique sur le traditionnel : « Oh, tiens, il y a des tueurs sanguinaires qui rôdent dans ce camping désert en pleine nuit, séparons-nous ! » auquel nous n’échappons malheureusement pas ici. En plus de ça, les personnages passent leur temps à crier pour se retrouver les uns les autres dans le camping (ils se perdent sans cesse de vue, ben oui, j’avais dit qu’il ne fallait pas se séparer) sans se soucier du fait que les psychopathes ont des oreilles et savent s’en servir. On a envie de leur crier : « Mais taisez-vous donc, malheureux ! » tant ils sont bruyants et peu discrets. Quant aux psychopathes, censés être effrayants de par leur mutisme et leur froideur, ils paraissent bien moins menaçants lorsqu’ils passent leur temps à prendre des décisions aussi stupides les unes que les autres.

Les dialogues ne sont pas non plus à la fête, et frôlent souvent le ridicule, à l’image de cette scène où l’un des personnages, pris au piège dans une voiture, s’adresse au tueur qui est sur le point de le trucider pour lui lâcher un poignant : « On ne pourrait pas simplement discuter ? » Hun hun. La réaction d’un autre personnage, qui tombe nez-à-nez avec un intrus à l’air menaçant entré par effraction dans son domicile en pleine nuit, est également prompte à faire hausser les sourcils : « Bonsoir. Que faites-vous chez moi ? », comme s’il lui proposait une tasse de thé… Par ailleurs, je tiens à vous prévenir que la question : « Mais pourquoi faites-vous ça ? » est posée environ 312 fois durant le film, par chacun des personnages. La réponse qu’ils peuvent bien attendre ? Je n’en sais fichtre rien.

« Aidez-moi à bien jouer svp ! »

En ce qui concerne les acteurs, Christina Hendricks (Cindy) et Martin Henderson (Mike) s’en sortent plutôt bien, même s’ils sont clairement sous-exploités. Lewis Pullman, que j’ai mentionné plus haut, se dépatouille avec ce qu’on lui a donné. Mais Bailee Madison (Kinsey), elle, livre une performance catastrophique. Elle ferait mieux de s’en tenir aux téléfilms auxquels elle est accoutumée tant elle tire le film vers le bas. Elle a les yeux écarquillées et la bouche ouverte en permanence, comme si elle était continuellement sur le point de régurgiter son dîner. Je me suis surprise plusieurs fois à souhaiter sa mort pour que le supplice de la voir surjouer prenne fin.

Pour en revenir à Lewis Pullman, il est le protagoniste d’une des seules scènes du film qui mérite notre attention. Cette scène se déroule près de la piscine du camping, éclairée par des guirlandes lumineuses multicolores, avec pour fond musical la chanson Total Eclipse of the Heart de Bonnie Tyler. Il s’agit d’une scène plutôt sympathique et réussie, bien que perfectible car trop longue. Le visuel de cette scène, de toute beauté, est à saluer, ainsi que le travail sur le son, qui est très réussi.

Lewis Pullman dans une des seules bonnes scènes du film.

Par contre, c’est le seul moment où l’on peut dire du bien du son : la trame sonore, écrasante, ne fait que surligner inutilement ce que l’on voit déjà à l’écran. Cela apporte une lourdeur au film, qui avait déjà bien du mal à décoller.

Et que dire de la fin ? Le film n’en finit pas, le scénariste ne sachant sans doute pas comment mettre fin à la catastrophe qu’il a engendrée. On a ainsi droit à un spectacle de monster trucks avec effets pyrotechniques de toute beauté. Eh oui, la sobriété qui caractérisait le premier film n’est clairement plus à l’ordre du jour. Le film perd toute velléité d’effrayer le spectateur et s’enlise dans une surenchère de scènes toutes plus ridicules les unes que les autres, le tout agrémenté de misérables dialogues entre frère et sœur qui sentent le préfabriqué à plein nez.

En résumé, amis de la subtilité ou de l’originalité, passez votre chemin, car ce film ne risque pas de vous rassasier, bien au contraire. D’aucuns diront que je suis peut-être un peu sévère avec ce film, mais j’ai vraiment été déçue car il s’agit d’un film qui n’a clairement pas été assez travaillé, surtout au niveau du scénario, qui use de grosses ficelles maintes fois vues et revues pour effrayer à moindre coût les adolescents en mal de sensations fortes. Après le catastrophique Insidious 4 en début d’année, je me dis que les véritables amateurs d’horreur (et je dis cela sans prétention aucune) sont vraiment lésés, car ils ne peuvent découvrir dans les salles obscures que peu d’œuvres qui ne se contentent pas de leur resservir la même tambouille à l’infini, et qui sortent un peu des sentiers battus en proposant un contenu ou une forme un tant soit peu originaux.

.

This entry was posted in s and tagged , , , , , , , . Bookmark the permalink.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *